Sans jamais nous connaître Royaume-Uni, Etats-Unis 2023 – 105min.
Critique du film
Comme un étranger dans sa propre vie
Pour son nouveau long métrage, Andrew Haigh embarque le public pour un tour de montagnes russes émotionnel. Remarquablement interprété et mis en scène, «Sans Jamais nous connaître» («All Of Us Strangers» en VO) est un must pour tout cinéphile.
Adam (Andrew Scott) mène une vie solitaire dans un triste appartement londonien. Un soir, son voisin Harry (Paul Mescal), passablement éméché, frappe à sa porte. Si le premier contact est abruptement interrompu, les deux hommes finissent par entamer une relation amoureuse passionnée. Mais, poursuivit par les souvenirs tragiques de son passé, Adam ne peut avancer. Régulièrement, il retourne dans la maison de son enfance où ses parents (Claire Foy et Jamie Bell) vivent toujours.
Découvert du grand public grâce à des œuvres comme «Weekend» en 2011, une fabuleuse et poignante romance queer, et «45 ans» en 2015, qui valu une nomination aux Oscars à Charlotte Rampling, Andrew Haigh s’y connaît en construction scénaristique. Et pour son nouveau long métrage, il présente une nouvelle histoire déchirante aux faux airs de pièces de théâtre.
Habilement, le cinéaste brouille les pistes de la narration pour dévoiler petit à petit les raisons des troubles qui habitent le personnage d’Adam. Rapidement, le récit plonge dans un océan de sentiments intenses en abordant les thématiques de la perte, la solitude ou le traumatisme. Le public, cloué à son siège devant le naturel des dialogues, à bien du mal à retenir ses larmes.
Support adapté, l’image éblouit par sa beauté quasi-permanente. Jeux de lumière, de reflets, cadrages, Andrew Haigh, aidé par Jamie Ramsay à la photographie, s’aide de plans esthétiques et savamment construits pour insuffler à son œuvre une mélancolie toujours plus intense.
Avec des films comme «Le Livre de Catherine» ou la version BBC de «Hamlet», Andrew Scott offre depuis des années de magnifiques performances. Surtout, le grand public le connaît comme le "Hot Priest" de la géniale série télévisée «Fleabag» de Phoebe Waller-Bridge. Paul Mescal, Claire Foy et Jamie Bell l’accompagnent splendidement tout le long de ce périple émotionnel et psychologique.
«Sans jamais nous connaître» n’a pas la prétention de trouver des solutions aux problèmes de son protagoniste. Ainsi, la douleur de la perte d’un être cher n’est en rien une phase, ni un sentiment volatil qui disparaît avec le temps, bien au contraire. Pourtant, un espoir apparaît, celui de finalement réussir à vivre avec la présence permanente d’un manque. Un message poignant, à la hauteur du film, qui suit le public bien longtemps après la sortie de salle.
(Adapté de l'allemand)
Votre note
Commentaires
Quelle merveille!!! Je le recommande à toutes les personnes sensibles qui aiment les belles histoires! Gros coup de coeur de l’année 2024! Les acteurs sont beaux et excellents.
“Laisse-moi entrer”
Un soir, la solitude urbaine d’Adam est perturbée par Harry, un voisin qui lui veut du bien. Si le célibataire quadragénaire refuse ses avances, le charme mystérieux de cet inconnu ne le laisse guère indifférent. Le lendemain, il retourne dans sa maison d’enfance pour y retrouver sa mère et son père, morts 30 ans plus tôt.
Cette tour qui domine la City est sans âme qui vive. Adam, écrivain à ses heures perdues, y tue le temps comme il le peut, entre page blanche électronique, plats réchauffés et télévision nostalgie. L’interruption de Harry, qui voit des vampires à sa porte, réconforte son existence. Mais c’est face à ses parents, décédés dans un accident quand il n’était qu’un garçon, que l’homme qu’il est devenu peut enfin se confier. Tout ce que le ciel permet, c’est une seconde chance pour dire et faire ce qui aurait dû réparer, consoler : « Ouvre la porte et laisse-moi entrer ! »
Si les choix esthétiques et scénaristiques d’Andrew Haigh ne convainquent pas toujours, sa délicatesse est remarquable. Évitant la violence appuyée du pathos, il ancre avec douceur son récit véritable dans un fantastique qui laisse planer le doute sur Londres. Un nouveau scénario, la fièvre ou la kétamine pourraient engendrer le rêve, le fantasme, et les fantômes. Désir et plaisir ont le goût du remord et des regrets. La rencontre entre Adam et son paternel évoque un plan cul clandestin. Dans son pyjama d’époque, l’adulte retrouve une place confortable dans le lit parental entre deux êtres plus jeunes que lui. Ces incongruités passent sans gêne grâce au talent d’un quatuor anglais réunissant un ancien danseur, une reine couronnée, un gars normal et le prêtre adoré d’un sac à puces – Andrew Scott si touchant. L’histoire personnelle du réalisateur inspire l’universel. Confrontant chacune et chacun à ses aïeux perdus, il se permet cette sentence bouleversante : « Je t’aime encore plus, maintenant que je te connais. »
(7/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 9 mois
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement