La passagère France 2022 – 95min.

Critique du film

Une histoire d’adultère ou l’illusion d’une libération

Critique du film: Kevin Pereira

Forte de trois courts-métrages régulièrement distingués en festival, ainsi que d’une expérience de monteuse saluée par la critique, en particulier pour son travail dans A l’abordage, le magnifique film estival de Guillaume Brac, Héloïse Pelloquet signe avec La Passagère son coup d’essai à la réalisation. Portée par la performance de Cécile de France, exquise, dans un rôle qui lui sied à ravir, ce premier long-métrage n’arrive cependant pas à transcender un scénario mécanique, semblant confondre libération et soumission à l’ordre établi.

Chiara (Cécile de France) a la quarantaine et arbore tous les signes d’une femme épanouie : son sourire irradie les plans et le couple qu’elle forme avec son mari Antoine (Grégoire Monsaingeon) se rapproche par moments d’un idéal – ils sont beaux, amoureux, rient et s’embrassent avec la douce tendresse des jours heureux. Travaillant ensemble dans l’industrie de la pêche depuis plus de vingt ans, Chiara et Antoine engagent un nouvel apprenti, Maxence (Félix Lefebvre), un jeune bourgeois avec lequel Chiara cède à l’adultère.

Choisir l’adultère comme sujet pour un premier film présente tous les traits d’un pari risqué. Hautement plus risqué, d’ailleurs, qu’il s’inscrit au sein d’un cinéma français qui l’a élevé en moteur, en une matrice prolifique à partir de laquelle se métabolisent quantités innombrables de long-métrages. Si on reconnaît volontiers à Héloïse Pelloquet de la singularité dans la manière de traiter son sujet – l’imagerie rompt notamment avec un certain parisianisme complètement boursoufflé –, la réalisatrice manque en revanche cruellement d’ingéniosité pour mettre en scène le dilemme moral qui s’impose peu à peu à Chiara, écartelée entre son désir juvénile de jouissance et son amour inflexible pour Antoine.

C’est très certainement là, sur le plan précis de la mise en scène, que La Passagère pèche le plus : peu inspirée, Héloïse Pelloquet se complait dans un usage systématique de la caméra portée, reconduisant une sorte de dardennisme agaçant qui pense qu’il suffit de coller au plus près les corps pour que ceux-ci s’incarnent pleinement à l’écran. Le problème de ce schématisme fatigué tient de l’idée d’incarnation sur laquelle il repose : arrimée aux seuls corps des personnages, à leur visage et leur peau, la caméra les arrachent à leur environnement, oubliant par là qu’une incarnation ne peut être effective qu’en relation à un lieu situé, agi par un certain nombre de déterminations. D’où l’incapacité du film à représenter de façon crédible la honte sociale finalement ressentie par Chiara, cette profonde déchirure d’avec son monde qu’elle chérit, mais dont le regard désapprobateur l’accule inexorablement vers la fuite dans un dénouement qui nie alors toute possibilité de réelle émancipation.

06.03.2023

2.5

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