Deux Belgique, France, Luxembourg 2019 – 95min.

Critique du film

L’amour fait mal et rend obsessionnel

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Que de simples voisines, mais passionnément amoureuses l’une de l’autre. Dans Deux, et pour son premier film, Filippo Meneghetti sculpte une belle histoire d’amour entre deux septuagénaires campées par Barbara Sukowa et Martine Chevallier. Une surprise inattendue, délicate et touchante.

Nina (Barbara Sukowa) et Madeleine vivent dans le même immeuble, au dernier étage. Deux femmes sans histoire, qui aux yeux de tous ne sont que de simples voisines. Au quotidien, elles partagent leurs vies respectives, ensemble, sans que personne ne les connaisse vraiment. Même la fille de Madeleine, Anne (Léa Drucker), et son fils, Frédéric (Jérôme Varanfrain), ne la connaissent pas vraiment. Alors que l’amour traverse les deux appartements aux portes ouvertes, un drame vient fermer les portes du bonheur.

Les dialogues aux lourdes significations, les visages scrutés et caressés par la caméra de Meneghetti; Deux se fait le récit intime d’un amour qui persiste dans l’ombre des siens. Les non-dits, ces fameuses paroles tues et réfrénées. Le cinéaste en fait un bel exercice sur les amours silencieux, sans jamais verser dans le pathos. Un amour aussi profond que brutal, aussi saisissant qu’évanescent. Les dialogues, et bien entendu la peur du jugement d’autrui, procurent au film une tension, un vertige des sentiments. La délicatesse qu’adresse Meneghetti dans cette équation amoureuse relève parfois du sublime, d’une sincérité évidente, mais surtout d’une maîtrise ahurissante; jamais l’Italien ne tente le diable pour conter les amours de ces deux femmes.

Le drame arrivé, le spectre du changement radical bascule le film dans un tout autre registre. Le récit est scindé en deux, un avant et un après. Quand nous parlons de sublime, il y a un cri du cœur qui fait place à la nuit du cœur et la terrible sensation de voir son amour fou s’évaporer.

La pudeur des sentiments, la sobriété des plans, un casting majestueux, Deux est la pépite inattendue. Cet amour qui vire à la pulsion, telle une drogue, malgré l’âge, se mue en prison. Filippo Meneghetti en parle avec une simplicité désarmante, bien aidé par une Barbara Sukowa aussi poignante que sa partenaire Martine Chevallier.

Pour un premier film, Filippo Meneghetti signe une œuvre aboutie, qui carbure de bout en bout. Deux a ce réalisme et l’angoisse graduelle des plans qui tombent à l’eau, la faute au destin. Un huis-clos déstabilisant; une relation amoureuse pulsant entre les portes entrouvertes et glissant entre les murs et les couloirs, digne d’un cercueil des passions.

16.08.2021

4.5

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Commentaires

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CineFiliK

il y a 3 ans

“Une femme avec une femme”

Mado et Nina sont plus que des voisines de palier. Septuagénaires, elles souhaitent enfin quitter la France pour s’établir ensemble à Rome. Mais un accident vasculaire cérébral bouleverse leur projet.

Dans la lumière fraîche d’un matin calme, deux fillettes jouent à cache-cache. Autour d’un arbre, l’une cherche l’autre dissimulée, quand celle-ci disparaît subitement. Voilà des années que Madeleine, veuve désormais, tait son véritable amour auprès des siens. Sa fille et son fils ne comprendraient pas. Même si la vie et les rêves ne tiennent souvent qu’à un fil.

Il y a ce pont romain qui relie les rives et ce corridor séparant deux appartements. Cette veilleuse dans le couloir qui signale les présences, ce judas par lequel on épie et qui nous observe. Lors d’intrusions furtives, il convient de se blottir dans le noir, derrière un rideau de douche, avant de pouvoir atteindre le lit. Menaces, chantage, pierre jetée à la fenêtre et enlèvement, aimer ainsi devient une lutte toutes griffes dehors. Un mode « thriller » trop appuyé parfois et pas toujours utile que choisit Filippo Meneghetti. Sa mise-en-scène élégante et pudique s’avère néanmoins remarquable. Une simple poêle sur le feu lui suffit pour signifier le drame en train de se jouer. Des comédiennes à la hauteur et une histoire douloureusement tendre qui rappelle qu’il n’y a ni âge ni sexe ni genre pour dire « Je t’aime ».

(7/10)Voir plus

Dernière modification il y a 3 ans


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