Cunningham France, Allemagne, Etats-Unis 2019 – 92min.

Critique du film

La transition du mouvement

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Un documentaire consacré à Merce Cunningham, chorégraphe acharné, réputé pour son goût avant-gardiste. Entre perplexité et frustration, une percée en 3D signée Alla Kovgan pour souligner le travail titanesque de l’Américain.

Retracer l’évolution artistique de Merce Cunningham, c’est dessiner un pan historique de la danse; un visionnaire diraient certains. De ses premières années en tant que danseur dans le New York d’après-guerre, jusqu’à sa place de chorégraphe légendaire, l’homme a charbonné. Tourné en 3D, avec les derniers danseurs de la compagnie, Cunningham balaie une carrière gigantesque en forme d’hommage étalé sur près de 70 ans.

Des archives inédites, des vidéos de danseuses aux regards hagards, des éclairs de génie, une musique clinique de John Cage. Cunnigham est ce qu’on peut appeler un documentaire hagiographique, une grande toile modelée autour d’une muse et intégrant son auteur par la même occasion. Alla Kovgan la dessine, la peint, la découpe pour monter une grande chorégraphie d’une prouesse visuelle. Les rouleaux artistiques regroupés dans une riche palette technique, sacrifiant le travail plus personnel et biographique du chorégraphe. La 3D amène une vraie profondeur, sublime des séquences de danse vertigineuse à l’image du ballet en milieu naturel confrontant la beauté d’un art et la beauté d’un environnement.

«La danse est un art limité.» Merce Cunningham cherchait à embrasser une plénitude, une sorte d’art sans limite, que même le corps ne peut stopper. Expérience immersive, parfois intense quand le film s’arrête sur les quelque 180 danses créées par l’Américain, mais très étonnement molle quand il s’agit de dépeindre le personnage. Manque-t-il de cette passion, de cette dévotion sans faille du danseur? La 3D, qui n’amène pas la plus-value espérée, laisse perplexe quant à son choix créatif. La danse en figure de proue, oui, mais un personnage qu’on délaisse. Un flou s’en dégage, comme sa relation inexplorée avec John Cage, son compositeur attitré. Une simple lettre pour nous affirmer que les 2 hommes étaient plus que des partenaires de travail.

Visuellement c’est fort. Narrativement c’est faible. Un écho faiblard à un chorégraphe en avance sur son temps. La poésie du mouvement reste bien entendu la valeur sûre, le cadrage et la trame graphique aussi. Mais Cunningham tourne en rond, se contorsionne autour d’un artiste sans trouver la bonne transition entre l’homme et son art.

28.09.2020

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